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9 décembre 2025

Projet AltMeth : sur les traces du méthane en milieu extrême

Marisol Goñi Urriza

[ISIFoR] Pouvez-vous nous présenter le projet AltMeth (voies alternatives de production de méthane biogénique dans les systèmes hydrothermaux serpentinisés), que vous avez lancé récemment ?

[Marisol Goñi Urriza*] Le projet AltMeth s’inscrit dans une dynamique de recherche sur la production alternative de méthane biogénique. Alors que la méthanogenèse anaérobie, bien connue et exploitée industriellement (comme dans les méthaniseurs des stations d’épuration), repose sur l’action d’archées méthanogènes, notre projet explore des voies métaboliques alternatives. Nous nous intéressons particulièrement aux sources hydrothermales peu profondes de Prony, en Nouvelle- Calédonie, qui présentent un environnement extrême où la production naturelle de méthane semble suivre un processus différent de la méthanogenèse conventionnelle. L’objectif est d’identifier les micro-organismes impliqués dans cette production alternative et de décrypter les mécanismes biologiques en jeu. Ce travail est mené en collaboration avec le MIO (Institut Méditerranéen d’Océanologie) à Marseille et poursuit d’autres travaux que nous avons pu mener avec le soutien de l’ANR.

[ISIFoR] Quelles sont les perspectives à moyen et long terme de ce projet ?

Précipités de carbonates à la sortie des fluides hydrothermaux (site de l’Aiguille, Baie de Prony, Nouvelle Calédonie)

[Marisol Goñi Urriza] Ce projet revêt un double intérêt. D’un point de vue fondamental, il vise à enrichir nos connaissances sur le cycle du méthane et sur des processus biologiques encore largement inexplorés. D’un point de vue appliqué, ces travaux pourraient ouvrir des perspectives dans le domaine des bioprocédés inspirés de la nature. Si nous parvenons à caractériser cette voie alternative de production du méthane et à identifier les conditions optimales pour son activation, cela pourrait constituer une piste intéressante pour la production d’une source d’énergie bas carbone. Toutefois, nous sommes encore à un stade exploratoire (TRL 1-2), et des développements significatifs seraient nécessaires avant toute application industrielle.

[ISIFoR] Votre étude porte sur des échantillons issus de milieux extrêmes. Comment définissez-vous ces environnements et quel est leur intérêt particulier ?

Dispositif pour prélever les fluides hydrothermaux (fluides gazeux) au site de l’Aiguille (17 m de profondeur), Baie de Prony, Nouvelle Calédonie

[Marisol Goñi Urriza] Les milieux extrêmes sont des environnements caractérisés par des conditions physico-chimiques qui dépassent les seuils habituels de tolérance de la plupart des organismes. Cela inclut des températures élevées, des pH extrêmes ou une pression importante. Le champ hydrothermal de Prony est un exemple remarquable de milieu extrême. Ses fluides alcalins (pH > 11), modérément chauds (environ 40 °C) et pauvres en phosphore constituent un environnement unique. Nos analyses préliminaires suggèrent que certaines communautés microbiennes y exploitent le méthylphosphonate comme source de phosphore, libérant ainsi du méthane. L’étude de ces environnements extrêmes permet de découvrir de nouveaux mécanismes biochimiques et des microorganismes aux propriétés inexplorées, c’est pour cette raison qu’ils sont intéressants. L’histoire de la biologie regorge d’exemples où la recherche sur ces milieux a conduit à des applications majeures, comme l’utilisation des enzymes thermostables issues d’organismes extrêmophiles pour la PCR (polymerase chain reaction), technique révolutionnaire en biologie moléculaire. Nos travaux pourraient ainsi, à terme, avoir des retombées dans des domaines variés, allant de la biotechnologie à la production d’énergie renouvelable.

*Professeur à l’UPPA – IPREM