Explorer l’évolution du potentiel réservoir des roches sédimentaires [Nicolas Beaudoin]

Nicolas Beaudoin

Nicolas Beaudoin

Le Projet Txm R2*, initié en 2019 et ressourcé par le carnot ISIFoR, se penche sur les stockages géologiques. Porté par Nicolas Beaudoin (enseignant – chercheur à l’UPPA) il a, entre autres, permis la mobilité d’une chercheuse post doctorante, et reste d’actualité par le biais d’un nouveau projet également financé par notre Carnot.
Penchons-nous aujourd’hui sur les développements de Txm R2.

*transformations chimiques et mécaniques des roches réservoirs

[ISIFoR] Ton projet Txm-R2, initié en 2019, a pour objectif de « Développer des connaissances et des méthodologies d’évaluation des caractéristiques et capacités du sous-sol vis-à-vis du stockage ou de l’extraction des ressources » ; peux-tu nous en dire quelques mots ?

A gauche, une vue d’une coupe au travers d’un front de remplacement minéralogique, en noir la dolomite, qui remplace la calcite en blanc et beige, avec une zone de transition au milieu. Encadré en rouge, la localisation d’un scan 3D (à droite) fait en tomographie à rayons X

 [Nicolas Beaudoin] Les problématiques d’exploitation du sous-sol impliquent une bonne compréhension de ce qu’est la roche dans laquelle les ressources naturelles ou les déchets liés aux activités anthropiques sont stockées. Cette roche, semblable à une matrice poreuse, évolue à mesure que changent les conditions de pression et de température lors de l’enfouissement, et sous l’influence de fluides réactifs. Il est alors important de pouvoir comprendre comment les paramètres de porosité et de perméabilité, ainsi que les propriétés mécaniques de ces roches vont évoluer avec le temps. Seulement ainsi les stockages géologiques (avec une durée de vie recherchée >> milliers d’années) pourront suffisamment être pérennes. Dans ce contexte, le projet Txm R2 (transformations chimiques et mécaniques des roches réservoirs) s’intéresse à des approches nouvelles qui permettent de caractériser l’évolution de ces propriétés dans deux types de roches sédimentaires classiquement exploitées : les grés et les carbonates. Ces nouvelles approches, à savoir des combinations d’imagerie quantitative (tomographie à rayons X) et de quantification chimique et minéralogiques (ablation laser à l’IPREM, microscopie « EBSD » à Toulouse) ont étés validées dans le cadre de cette étude, qui portait surtout sur l’évolution des roches Jurassiques des chaînons béarnais. Ces évolutions étaient associées aux transformations minéralogiques liées à des fluides réactifs.

[ISIFoR] Est-ce que le financement mixte de Txm-R2 (E2S et ISIFoR) a permis d’aller plus vite ou plus loin dans tes recherches en libérant plus de moyens ?

[Nicolas Beaudoin] Le financement mixte a été clé dans le sens où il a permis d’avoir à la fois les moyens humains (post doc financé par E2S) et les moyens matériels et analytiques (financés par le Carnot ISIFoR).

[ISIFoR] Datant de 2019, ce projet se poursuit aujourd’hui par la thèse de Maria Elena Taxopoulou (qui se trouve actuellement à Édimbourg). Comment cette thèse prolonge ton projet initial ?

[Nicolas Beaudoin] La thèse de Maria Eleni Taxopoulou est une conséquence des résultats de ce projet. L’utilisation notamment de l’imagerie en tomographie à rayons X a été centrale pour comprendre les évolutions pétrophysiques des carbonates pendant les transformations chimiques, que nous avons voulu étendre ces applications à d’autres types de matériaux plus particuliers : des calcarénites, roches à la fois carbonatées et gréseuses, qui présentent des structures tectoniques surprenantes et inattendues. Cela se fait en collaboration avec l’université d’Herriot Watt et avec l’université d’Édimbourg. Les résultats de Txm-R2 ont fortement aidé à convaincre la communauté de communes de Lacq Orthez de financer cette thèse à hauteur de 50 %.

[ISIFoR] Pourquoi aller à Edimbourg pour travailler à ta thèse ? quels étaient les forces / l’expertise que vous recherchiez avec le Dr Beaudoin ?

Maria Eleni Taxopoulou

[Maria Eleni Taxopoulou] La raison pour laquelle je suis allée à Edimbourg pour ma thèse était qu’une partie de mon doctorat était consacrée à mieux comprendre comment les roches hétérogènes déjà déformées lors de leur histoire réagissent à des déformations. En d’autres termes, je me demande comment une roche hétérogène réagit à une contrainte appliquée, ce qui est différent d’une roche homogène. La capacité d’une roche à accomoder une contrainte, paramètre qu’on appelle la rhéologie,  est extrêmement importante pour pouvoir utiliser des roches reservoirs lors de la transition énergétique. À l’Université d’Heriot-Watt, je travaille avec le Dr Elli-Maria Charalampidou, qui est maître de conférence au Département de l’énergie, des infrastructures et de la société de l’Université d’Heriot-Watt. Elle me guide pendant mes 3 mois à Edimbourg dans la réalisation d’expériences de déformation en laboratoire d’échantillons naturels prélevés pendant ma thèse. Nous avons récemment effectué un test de compression sous confinement en utilisant les capacités d’imagerie de l’accélérateur de particule du Diamond Light Source (Oxford, Royaume-Uni). Ainsi, nous avons pu imager en 3D temps l’évolution interne d’échantillons de roches soumis à une compression dans des conditions contrôlées. Les résultats nous aideront à mieux comprendre comment l’histoire de la déformation imprimée dans les roches peut être affectée par des déformations héritée d’une histoire plus ancienne. Pour résumer, le temps passé en tant que doctorant visiteur à Édimbourg était non seulement de la plus haute importance pour mon projet de doctorat, mais aussi une excellente occasion pour moi de m’engager avec d’autres géoscientifiques de l’Université Heriot-Watt, de l’Université d’Edimbourg et d’apprendre à mener ces expériences, comment préparer le matériel, et bien sûr, comment interpréter les informations recueillies. D’un point de vue pratique, l’importance de cette mobilité était que l’université d’Heriot-Watt dispose de nouvelles installations expérimentales pour les essais de compression triaxiale, qui ne sont pas disponibles à l’UPPA.


[ISIFoR] Début 2023 quelle est l’avancée du projet? et quelles extensions directes ou indirectes entrevois-tu aujourd’hui?

[Nicolas Beaudoin] Le projet est maintenant terminé, 5 publications dans des périodiques à comité de lecture, ont permis de faire valider ce travail par la communauté scientifique. Les résultats ont aussi été présentés dans diverses conférences nationales et internationales au cours de ces 4 années. Au-delà de la thèse de M.E. Taxopoulou, un nouveau projet a été récemment financé sur des outils similaires, pour aller plus loin. Il s’agit du projet COMIQUE, co financé par le carnot IFPEN et le Carnot ISIFoR. L’idée est de répliquer les évolutions physiques des roches étudiées dans le projet TXm-R2 en laboratoire.

 

Contact – nicolas.beaudoin@univ-pau.fr