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21 mai 2025

Comment le LaTEP construit, jour après jour, son expertise des systèmes multi-énergies – Échange avec Sabine Sochard

Sabine Sochard

Quand nous avons rencontré Sabine Sochard, chercheuse au LaTEP(Laboratoire de Thermique, Énergétique et Procédés) de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, c’est un univers complexe et passionnant qui s’est présenté à nous : celui des systèmes multi-énergies. Spécialiste de la modélisation et de l’optimisation des systèmes énergétiques, elle nous éclaire sur ces dispositifs qui conjuguent plusieurs sources (principalement renouvelables) et vecteurs d’énergie (électricité, chaleur, gaz). L’objectif : imaginer des solutions plus résilientes, plus efficaces et surtout plus durables.

Aujourd’hui, ces systèmes sont au cœur de nombreux projets de territoire. Pour pouvoir proposer des réponses adaptées à cette complexité nouvelle, encore faut-il être prêt ; les architectures énergétiques sont souvent uniques, évolutives, soumises à des paramètres locaux (climat et ressources, consommateurs…) et tributaires des conditions parfois internationales comme le prix de l’énergie.

C’est à cet enjeu que travaillent des chercheurs du LaTEP[1] depuis plusieurs années pour proposer leur expertise aux questions toujours plus complexes que posent ces systèmes.

Les systèmes multi-énergies : du régime permanent au régime transitoire

 

Jusqu’à récemment centré sur des approches en régime permanent, les prévisions de consommation énergétiques sont à présent soumises à des régimes plus complexes car transitoires. Ces phases instables et fluctuantes sont devenues la norme dans les réseaux énergétiques actuels parfois composés de nombreuses sources énergétiques[2]. La réponse qu’il faut désormais apporter est la suivante : proposer, en temps réel, la meilleure allocation des ressources disponibles en fonction de la demande et des aléas (climatiques, techniques, économiques…).

Concrètement, cela passe par deux étapes : une phase de planification des trajectoires temporelles des variables opératoires du système basée sur des prévisions temporelles multiples (prévisions météorologiques, prévisions de demande énergétique, prévisions du coût des ressources…). On actualise ensuite en temps réel ces trajectoires en fonction, par exemple, de la météo ou de la consommation réelles au moment exact où le système doit y répondre). Le tout est rendu possible par les capacités de calcul et d’analyse actuelles. Une véritable démarche d’optimisation continue, intégrant même des critères comme le prix de l’énergie. C’est une démarche d’une grande complexité, comme on peut l’imaginer compte tenu de tous ces paramètres. Il faut donc connaitre les uns et les autres avant de pouvoir les « connecter ».

Une nouvelle génération de pilotage énergétique

Dans ce cadre mouvant, le LaTEP mise sur une approche nouvelle : sortir des règles figées pour aller vers une optimisation dynamique, capable de réagir à ces évolutions. Ces solutions peuvent parfois sembler contre-intuitives, mais elles offrent des performances inédites et plus performantes, là réside tout leur intérêt. Cette approche ouvre la voie à des réseaux vraiment intelligents, souples, adaptables.

Cap Écologia, projet auquel le LaTEP s’est associé

Système de production multi-énergies pour alimenter un réseau de chaleur (thèse de Régis Delubac) (HX – Heat eXchanger)

 

Un exemple de cette révolution est en train de voir le jour à Pau. Le projet Cap Écologia, porté par la Communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées, est un véritable hub énergétique territorial. Ce site repose sur une logique de circularité inédite : valorisation des déchets, traitement des eaux usées, production de chaleur, d’électricité et de gaz, le tout interconnecté.

Le LaTEP a travaillé sur ce projet, en effectuant la modélisation et l’optimisation du réseau de chaleur à l’époque où l’option géothermie était retenue : identification des consommateurs, topologie du réseau, dimensionnement de l’unité de cogénération. Plus récemment il s’est attelé à l’étude dynamique du couplage entre méthanisation et méthanation, intégration future de l’électrolyse et du photovoltaïque… autant de briques pour construire un système énergétique local, renouvelable et intelligent.

L’avenir : vers une énergie modulable, disponible en toutes circonstances

Aujourd’hui, le LaTEP, a développé à travers des projets de recherche successifs (thèses, post-doctorats) une expertise sur plusieurs briques[3] des systèmes multi-énergies qui seront la norme de nos sociétés de demain. Le laboratoire est donc en mesure d’accompagner des territoires complexes comme Pau, mais aussi des collectivités plus petites, isolées, ou des zones industrielles denses. L’objectif : aider chaque acteur à mieux utiliser ses ressources locales, quelles qu’elles soient, pour tendre vers la meilleure allocation énergétique sur un territoire en fonction de ses besoins humains, industriels…

L’avenir, c’est un mix énergétique souple, modulaire, capable de répondre en temps réel aux besoins tout en intégrant les spécificités locales. C’est ce vers quoi tend le LaTEP dans la constitution patiente et cohérente de son expertise sur chaque maillon de l’énergie plurielle de demain.

 

 

  • [1] F. Marias, J.-M. Reneaume, S. Serra, S. Sochard, A. Untrau
  • [2] Solaire thermique, géothermie, gaz, photovoltaïque, hydraulique, éolien…
  • [3] Électrolyse, méthanisation, méthanation, gazéification, solaire thermique, réseau de chaleur, cycle ORC, stockage thermique….